dimanche 26 août 2007

Stabat Pater XI

Bob is gone…




Tu as claqué derrière toi la porte de ta tombe ce 20 juillet 2007, dans un dernier coup de sang. Tu t’y es planqué, furieux et énervé que ce monde ne veuille plus de toi et ta liberté. Et te voilà pris à ton tour, comme tous les vivants qui ne le sont plus, par le service universel du Salut, auquel personne n’échappe, malgré la jouissance sur terre dont tu as eu le cul béni. Évidemment, tu aurais préféré rester ici-bas parmi nous hein ?? Mais ça ne marche pas toujours comme on le voudrait. Hé oui coquin ! Te voilà pour l’éternité enfoui sous quelques mètres cubes de pierres carrées, pour être au frais et à l’ombre comme à ton habitude, loin du soleil et de la chaleur que tu craignais tant.

Et tu me laisses là comme une quenotte un peu branlante qui perd ses racines, une peu déchaussée, un peu jaunie, ébranlée par ce qu’elle doit faire avaler au bonhomme et qui est un peu dur à mâcher quand même. Mais je ne suis pas triste parce que tu m’avais rassasié très top de ce qui m’attendrait un jour, malgré moi, malgré toi. En plus, tu as eu une belle vie, une mort assez cool. Mais maintenant te voilà planqué et nous n’avons plus qu’à nous démerder. Nous ne pourrons plus parler, mais moi je peux continuer à le faire dans mon coin, en t’écrivant cette bafouille. Un dialogue sans échange, le dialogue des anges.

Sacrée fripouille !! Tu m’as un peu surpris, même avec tes 96 piges. Je m’y attendais un peu évidemment, parce qu’à ton age, c’est déjà une longue vie, alors qu’il y a quelques semaines tu déconnais encore. Mais tu es gonflé quand même !! Tu me laisses en plan, là, comme une chaussette trouée et mal lavée, pendante sur son fil parmi mes frusques et autres souvenirs de mon enfance que je raccroche aux branches des arbres que tu aimais tant. Ma mémoire n’a plus qu’à se dessécher là en pendouillant. En dessous d’elle c’est le vide et je n’ai pas l’habitude d’être équilibriste. Il faudra bien pourtant.

Par contre, je veux te le dire, tu t’es un peu gouré quand même dans le choix du lieu où tu gis désormais. Car au dessus de ta tombe, pas d’arbres, pas d’ombre, pas de feuilles vertes pour te faire entendre le souffle du vent dans les cimes. C’est un peu la désolation ce coin où il n’y a que des tombes alignées les unes aux autres. Un dédale de dalles sans trop de fioritures et parfois ridicules. C’est un peu moche ta dernière adresse. C’est terne. Y à pas grand-chose à visiter. Au moins, la toponymie des lieux devrait t’inspirer sans doute un poil, et même te faire marrer si tu regardes autour de toi les noms de tes voisins. Maigre consolation. Sans doute aussi tu admireras avec intérêt les minéraux et autres marbres qui recouvrent ces demeures ternies par les rayons du soleil, mais tu dois les avoir déjà dans ta collection.

En fait, tu es comme dans une grotte maintenant, mais sans peintures rupestres à commenter. Et je me souviens de celle où tu nous avais trimballés une fois, dans le fin fond de l’Espagne pour y dégoter des Pyrites cubiques scintillantes parmi les tas de gravats et de décombres. Un trou du monde. À genou, tapis dans la fraicheur de la caverne, on avait cherché des trésors alors que les locaux nous en fournissaient des bien plus belles à prix dérisoires, que tu refusais. Quel chemin chaotique on avait emprunté là, dans ta GS en position haute, qui sautait de roc en roc tel un vieux 4X4 sans aucune suspension. Bon, j’imagine maintenant qu’au moins sur le plafond de ton cercueil il y a quelques étoiles qui te font entrevoir un coin de ciel, même s’il y fait nuit. C’est beau les étoiles. C’est comme les pyrites, ça brille quand elles sont bien nettoyées.


Quelque soit l’endroit où tu te trouves vieille canaille, près de la Grande Ourse sans doute, je te sens toujours avec moi et je ne pourrai pas t’oublier. Comme je n’oublierai jamais les traits de ton dernier visage tel qu’il m’est apparu sur ton lit de gisant, souriant, détendu et beau… oui, beau, malgré ton teint blafard qui indique bien que ton cœur s’est arrêté de battre, mais pas le mien. Et tu souriais !! Ca mon coquin c’est bien le signe que tu t’éclates déjà là haut dans les cieux et qu’avec tes potes, c’est sûr, tu es déjà en train de créer une confrérie du bon goût et des saveurs célestes afin d’améliorer le pain quotidien que tu dois trouver bien fade et sec. Je t’enverrai quelques bouteilles de Bordeaux, ou du Porto, dès que je serai moi aussi de retour sur cette terre fœtale. Mais c’est un peu lourd à expédier, il faudra un peu de temps. Patience.

Ha mon coquin !! Tu es content de toi hein ? De nous avoir laissés ainsi en plan. Mais j’avoue qu’avec le message posthume que tu as eu la délicatesse de nous écrire je suis un peu scotché. Tu n’as pas mégoté. Ton mot de tendresse et d’affection pour tous tes enfants est sans équivoque et va en remuer certains. Un testament bien chiadé où tu nous parles au présent comme si tu nous écrivais de l’au-delà. En direct Live. Depuis 16 ans il nous attendait là, couché sur le papier. Tes derniers vœux, tes dernières volontés. Et tu as mis tout ce temps pour nous dire que tu nous aimes, pour la première fois. Tu t’es retenu jusqu’à cet instant parce que tu ne voulais pas le dire. Alors que tu aurais pu mettre à profit ces 16 dernières années, nous le faire mieux sentir. Mais pour toi c’était une évidence. Comme si tu nous le répétais une dernière fois. Sans doute....

Tu t'éclates déjà là haut, je suis sûr, et moi... je ne suis pas triste...exactement comme tu m'as souvent dit !!