... au bout des doigts.
lundi 19 septembre 2011
jeudi 15 septembre 2011
Les mots de l'écrit par.... Michel Suffran
Phrases dites par Michel Suffran (clic, clic) sur l'écriture, le 15 septembre 2011,
à la librairie la Machine à lire à Bordeaux
Les mots ont une pesanteur.
Les livres sont les charnières d'un dialogue.
Si il y avait une droite toute tracée, à quoi bon la souligner d'un trait d'encre ?
C'est le coté aventureux de l'écriture, périlleux.
L'écriture est un acte de confiance, c'est une connivence avec le lecteur.
Et son tableau préféré :
Publié par Eugène Bricot à 22:26 0 commentaires
Libellés : Les mots de...
lundi 12 septembre 2011
La balade de St Malo
Àl'abri des remparts de Saint-Malo dans le dédale des ruelles grises,
l'homme avait les mains tassées au fond des poches de son pantalon,
le teint blafard, des cernes sous les yeux, une barbe de trois jours.
Il s'était arrêté devant le restaurant Delaunay où il songeait
avec délice manger une moule frite onctueuse, dont le goût
d'oignons et de vin blanc lui réjouirait le palais des heures
durant. Une seule. Une moule et une frite. C'était tout ce qu'il
souhaitait et pouvait s'offrir avec les pièces de vingt centimes
qu'il avait trouvées sur le trottoir, probablement délaissées par
des touristes. Pour notre homme, au chômage depuis vingt-quatre
mois, c'était une aubaine. Il voulait tenter sa chance. Mais le
restaurant était fermé. Pas de bol !
Il décida de sortir de la vieille ville pour emprunter à pied le quai Saint-Vincent et admirer le front de mer. Au moins, c'était gratuit, les hauts murs obscurs ne l'oppresseraient plus ! Il avait envie de grand large pour aérer les pensées ternes qui l'envahissaient depuis des semaines.
Sur
son chemin il rencontra un couple dont le roquet, tenu en laisse,
avait relevé sa patte arrière pour pisser sur une bite d'amarrage.
Il s'exclama à l'adresse du cabot :
― Hé,
espèce d'avorton, te fais pas chier !
Le
couple, probablement hollandais, offusqué par le ton aigre du
marcheur ne comprit pas très bien la remarque et répliqua :
― Hach
! C'est toi l'avatar !
Regard
en biais par-dessus son épaule, notre homme errant, qui, pour une
fois s'échappait du HLM dans lequel il marinait à longueur de
journée, continua son parcours. Les poings serrés à l'étroit dans
le tissu dont il pouvait sentir les coutures, il allait faire le tour
du port de plaisance quand il croisa le petit train touristique qui
amenait les badauds. Sur celui-ci des marmots se bâfraient de glace
à la vanille, ou à la fraise, et s'en plastronnaient allègrement
les cuisses et les mains. Les parents regardaient ailleurs. Ses
pensées devinrent encore plus sombres et lourdes a porter. Il songea
à ses quatre enfants, puis évacua rapidement cette image de son
esprit. Il avait envie d'être égoïste aujourd'hui, de ne penser
qu'à lui, alors que dans sa poche tintaient les quelques pièces
qu'il avait trouvées.
Il
croisa l'avenue Louis Martin, puis aperçut les panneaux "Palais
du Grand large" et "Casino", juxtaposés, dans la même
direction, comme une provocation ultime à ses désirs les plus
enfouis. L'air était frais, l'odeur de la vase du port à marée
basse était chassée par les embruns venus du large qui attiraient
ses pulsions. Son esprit s'éclaircit. Il se remémora quelques
lignes que sa fille de 12 ans avait écrites, en espérant un jour
devenir chanteuse d'ambiance.
"Au
4e étage, sans ascenceur, j’me fais les muscles des gambettes,
Quand
je monte les sacs à provisions, j’me d’mande où j’ai ma tête,
J’espère
surtout qu’j’ai rien oublié, pas question de redescendre,
Est-ce
que j’ai bien fermé la voiture à clef ? Envie d’me
peeeeeeeeeeeendre !!"
C'était
justement, ce qu'il voulait éviter et continua sa marche l'âme
perturbée, mais combattante. En s'approchant des deux panneaux, il
médita un instant, puis pensa que l'un ou l'autre amènerait de
toute façon à la même destination : la perdition. Sa
bourgeoise, qui l'irritait particulièrement en ces moments
difficiles, tenait sévèrement les cordons de la bourse. Elle
assénait régulièrement "trop de désir nuit", et notait
méticuleusement, jour après jour, chaque centime gagné et dépensé.
Pas de superflu. Il chassa à nouveau d'un mouvement de refus
l'ambiance morne, boueuse et triste que lui imposât la vision de
cette femme. Il traversa le quai Duguay-Trouin, l'ancien corsaire
statufié, qui, de sa main droite, discrètement, indiquait à
l'homme de poursuivre son chemin. Il fut ragaillardi par cette
suggestion et en apercevant le casino à quelques pas, décida de s'y
rendre.
Il
avait envie ce jour-là de se sentir l'âme conquérante face aux
éléments qui le bravaient, tel Surcouf, et serra dans son poing les
quelques pièces devenues chaudes quand il poussa la porte de la
salle des machines à sous.
Publié par Eugène Bricot à 16:55 0 commentaires
Libellés : Voyages
lundi 5 septembre 2011
En voiture simone !
― Dis,
tu vas bouger ta caisse de mon horizon sale con !
― Pardon ???
Quoi ? Interrogea l'interpelé dans un rictus d'incompréhension.
― T'as
parfaitement entendu !! Et que je t'y reprenne pas à poser ta
chariote au pied de ma table de bistrot préférée. J'peux pas mater
mon aise les doux minois qui se dandinent sur la place ! Tu vois
là ! De l'autre côté de la ruelle !!
Le
type dans ladite caisse, une grosse berline décapotée dans la
douceur précoce de cette soirée, tourna la tête à l'opposé et ne
put que constater combien la position était stratégique, en effet !
De jolies « fleurs printanières» se balançaient sur la
placette en papotant, sous l'ombre des marronniers eux aussi
florissants. On avait envie de se changer en papillon et butiner
grave, bien que le printemps soit avancé cette année. A cette
vision, le conducteur de la bagnole sortit et s’attabla à côté
du provocateur. Sans demander, ni cérémonie.
― Héééééé
? Dis l'autre, comme un mouton, ne sachant comment réagir.
― Eugène
Bricot. Fit l'imposteur, péremptoire, en tendant la main, s'asseyant
et fixant en direction de la place.
― Ha !
Ouais !........... C'est ça, ben t'Eugène pas surtout, fais
comme chez ta grand-mère !
― Oui
― Quoi
oui ? T'as ouï, ce que je t'ai mandé de réaliser promptement
et sans cérémonie ?
― Ben,
oui, t'as raison que ma caisse gêne un peu, mais en même temps
c'est un sacré argument de vente pour ce que tu reluques, non ?
Et pis elle est basse sans la capote.
C'était
bien ce qui gênait l'habitué de la terrasse, quand on lui parlait
de capote, il pensait à autre chose. Du coup celle de la caisse, il
la voyait sous un jour différent maintenant et son exubérant
sentiment d'en découdre avec l'autre sexe se renforça, au lieu de
vouloir s'escrimer avec le nouveau venu. A ses pensées se mélangea
le parfum pénétrant des fleurs des marronniers de la placette.
― Il
paraît que ça ressemble à l'odeur du sperme !
― Oui,
je sais.
― Ha ?!
Et comment tu sais ?
― Ben
comme toi, y a un paquet de gens qui me l'a déjà dit, sans jamais
oser vérifier.
― Ha
Bricot ! T'es un poète toi !
Depuis
qu'Eugène avait dû changer son patronyme suite à une affaire de
mœurs dans laquelle il n'avait rien à voir, il se délectait des
vannes récurrentes que ce nouveau nom lui valait, toujours les
mêmes. Pour le moment il n'était pas las.
Sur
ce, une contractuelle en tenue de pervenche s'approcha de la berline
et commença à gribouiller sur son calepin le montant de l'amende
pour stationnement non réglé en marmonnant :
― Encore
cette bagnole ! D'un ton navré et excédé.
Lorsqu'elle
aperçut le propriétaire qui gesticulait à proximité, accoudé sur
l'inox froid de la petite table ronde, en compagnie d'un inconnu.
Elle l'interpella.
― Dites,
ce n’est pas cette voiture qui a déjà été mise en fourrière la
semaine dernière dans l'affaire de la rue des trois frères ?
Ce
non-événement était remonté jusqu'aux oreilles de la pervenche
qui savait à quoi s'en tenir. Quelques jours plus tôt, on avait
retrouvé la décapotable au pied de la porte d'un immeuble où
venait d'avoir lieu une minutieuse inspection de police et établi un
lien direct entre la décapotable et l'auteur des faits. Le nom du
propriétaire du véhicule avait été pris pour être à l'origine
du larcin et fut immédiatement transcrit dans la presse locale, en
manque de sensations. Quelques jours plus tard, l'erreur de l'enquête
fut avérée. Eugène, blanchi, avait dû s'adapter rapidement, car
il était bien connu dans les environs sous son ancien nom.
Il
ne savait pas s’il avait affaire à une pervenche avertie sur son
compte ou bien si elle était encore sous le choc de la lecture de
l'article initial. Ce qui était certain c'est qu'elle avait été
mise au parfum, mais comment ?
― Ha
mince ! Souffla-t-il à son voisin. Moi qui me croyais
débarrassé.
Bien
que la pervenche était un peu fanée, il l'aborda.
― C'est
combien ? Héla-t-il par dessus le trottoir, du ton provocant
dont il était coutumier.
― Inutile
de vous rappeler qu'on se connait. Assura la contractuelle.
― Nan,
j'ai pas eu ce plaisir. Moi c'est Eugène. Eugène Delacroix.
― Mouhahahahaahhaaa.
S'ébranla la représentante de l'ordre de voirie. On me l'avait pas
encore faite celle-là. Et je coche quelle case ?
― Ok,
c'est pas mon nom, mais ça fait marrer. Je teste. Je sors n'importe
quel nom qui me vient en tête et je vois l'effet que ça donne en
espérant que je sois drôle. Mais vous avez besoin de mon nom, là
pour votre P.V. ?
― Non.
― J'viens
de vous le dire. Y faut signer ?
― Non
― Encore !!Mais
vous le faites exprès ?
― Non
― Haaa,
ok....
La
pervenche fit le tour du véhicule comme si elle allait en prendre
toutes les mesures. Elle sauta sur le trottoir, entre les deux
compères et la voiture, pour compléter son inspection.
― Pourquoi
les plaques sont sur les portières et non aux endroits prévus ?
― C'est
un bolide de course. Un peu comme sur un cheval, on met les numéros
là parce qu'ils sont visibles du public.
― Et
c'est vous l'étalon ? Se moqua-t-elle, alors qu'elle tournait
le dos à la tablée.
A
cet instant, Eugène sentit la moutarde lui monter au nez. Il se prit
d'envie brutalement de retrousser la jupette et de basculer le corps,
tête la première, par dessus la vitre baissée de sa voiture pour
coller sur le fessier une raclée à la vue de tous. Mais il craint
pour la solidité des gongs et les traces sur les chromes rutilants.
― Quand
vous aurez fini de regarder mes fesses, suggéra l'agent, vous
pourrez sortir votre carnet de chèques.
Eugène
s'en foutait, il paierait et trouvait que ce n'était pas cher payé
pour la vue dégagée que l'emplacement offrait sur les beautés
parisiennes printanières.
― 2.600
euros, annonça l'inquisitrice en se retournant vers lui à à peine
un mètre, notification entre les mains et dents saillantes qui
comportaient deux canines de taille hors du commun, en effet.
Eugène
se redressa brutalement sur son siège et propulsa entre ses lèvres,
dans un rictus d'étranglement, tout le café qu'il avait en bouche,
en micro particules. Les gouttelettes vinrent se disperser en étoiles
obscures sur le fond bleu de l'uniforme de l'agent.
― Facture
du teinturier comprise ? Osa-t-il.
Publié par Eugène Bricot à 14:58 0 commentaires
Libellés : Vagabondages
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