lundi 18 décembre 2006

Sur la route



Lorsqu'il s'installa derrière son volant, Franz eut le pressentiment que ce réveillon du 31 ne serait pas comme les autres…

Le lecteur CD entama alors le Stabat Mater dans la version de Pergolèse, la seule selon lui qui valait la peine (clic droit ICI "ouvrir dans nouvel onglet" pour mettre le son ). Dès les premières notes, Franz pensa alors à la plénitude de sa vie qu’un tel moment de grâce allait rendre encore plus heureuse. La profondeur des chants, la douceur des paroles, la légèreté sobre des notes le confondait dans une immense sérénité qu’il ne trouvait pourtant pas triste. Cette poignante douleur était aussi intensément charnelle qu’un sein de femme que l’on caresse du bout des lèvres avec langueur, un intense amour, songea-t-il.

La sinuosité du paysage qui l’accompagnait dans son véhicule, les arbres diffus éclairés en contre-jour par la lune ronde qui se penchaient sur son passage étaient les chefs d’orchestres de la mélodie qui pouvaient l’amener jusqu’au-delà du ciel étoilé et glacial. Plus rien ne comptait. Cette route, et la musique, rendaient une paix ineffable à son âme de jeune homme trentenaire qui avait toujours su prendre la vie avec discernement. Son intuition le guidait chaque jour vers les sages résolutions, quitte à en pâtir un temps. Assez discret dans pas mal de domaines qui font que la vie aurait pu être futile pour lui, Franz étonnait toujours son entourage par la sobriété de ses actes et la maturité de ses jugements. Il dégageait une forte impression dès le premier contact qui faisait comprendre que son être était Un. Rien n’était simple quand on l’approchait, mais pour lui, tout l’était. Sa clairvoyance d’homme de la nature l’accompagnait sans jamais de grosses déceptions, même si parfois il avait pris des risques incongrus.

Pourquoi fallait-il que les hommes de cette terre soient aussi rares pour donner à la vie cette façon aussi sublime de s’exprimer à travers la musique ? Pensa-t-il au sujet du compositeur. Qu’y avait-il donc là à transmettre quand la magie des airs et des sons entamaient si puissamment sa pensée jusque dans sa propre chair ? Mort à vingt-six ans dans de terribles souffrances alors qu’il composait cet air, Pergolesi avait gravé son oeuvre dans le marbre comme jamais d’autres après lui ne le firent, que l’expression de la mort était aussi vitale.

La vitesse et la puissance de son véhicule grisaient Franz tandis qu’il écoutait les andantes se succédant aux moderatos…. Si le premier mouvement avait donné une profondeur d’une intensité émotionnelle sans égal, que Vivaldi n’avait pas su rendre aussi envoûtante de calme, les autres mouvements étaient toutefois très variés. Tous les morceaux étaient un parfait hymne à la méditation dans un enchainement baroque dépouillé.

Franz sondait sa vie durant ce temps écoulé depuis son départ du domicile. Il aurait pu tracer sur ce chemin de fin d’année toute sa destinée simple et émouvante. Ses pensées étaient aussi claires que l’horizon étoilé qui le couvait de mille feux distincts, sans fioriture, sans détail inutile. Son émotion était à son comble et pourtant il soupçonnait que quelque chose arriverait sans prévenir ce soir là. Rien de grave. Non. Juste une idée fixe qui s’était introduite dans son esprit comme on oublie quelque bricole à emporter qui d’un coup devient essentielle. Une certitude vague. Mais la réponse ne venant pas alors il continua à rouler sans se soucier vraiment de cette impression subtile qui ne le malmenait pas pour autant…

Il s’introduisit avec volupté dans la quatrième partie de la composition, un peu plus légère que les autres, mais tout aussi savoureuse, quand il s’aperçu que le disque passait pour la troisième fois déjà. Il avait beaucoup roulé. La montre digitale de son écran indiquait que le réveillon était déjà terminé de quarante bonnes minutes. Il avait totalement oublié son invitation parmi les siens. Il s’en foutait royalement. Comme un prince. Il rentra chez lui…comblé, repu. Il savoura de béatitude ce passage sublime et égoïste vers une nouvelle année.

ps : vous pouvez continuer vos lectures avec le fond musical...


jeudi 7 décembre 2006

Stabat Pater VI


L'odeur de la sciure me ramena à un souvenir de ma merveilleuse enfance.

Nous étions tous les deux ce jour là dans la maison de campagne dans laquelle tu passais ton temps à charpenter. Là je devenais ton esclave bénévole le temps d’une après midi estivale. J’avais à peu près 13 ans. J’apprenais avec toi à me servir de mes dix doigts dans le prolongement de ma cervelle. Cette bâtisse craquelée était ton jouet, ton terrain d’expression physique autant qu’oral. Ainsi tu me saoulais avec tes histoires béates et sans fin, tandis que nous bricolions.


Concerto pour scie


Chaque fois que j’utilisais une scie pour trancher une lame de parquet, et que je devenais distrait, tu n’étais pas très loin pour me reprendre : « — Tsst, tsst, le marchand de scie m’a vendu toutes les dents de la scie !! » Alors les mouvements de mon frêle bras devenaient plus amples d’une extrémité à l’autre de la lame… Je me rendais compte, après ta subtile remarque, que ça allait surtout bien plus vite ainsi. La sciure tombait sur mes godasses. On la stockait ensuite pour éponger je ne sais quoi… au cas où…

Couverts de cette poussière de châtaigner, nous nous concentrions sur les mesures à prendre et la manière de mieux agencer chaque lame par rapport à l’autre ; sur l’inclinaison du clou ; sur l’angle d’attaque du marteau ; sur la cale indispensable pour mieux ajuster…

Dans un coin du grenier que nous avions déjà terminé, j’aperçu alors de larges planches beaucoup plus grandes, d’une essence différente, posées à même le sol. Je ne les avais pas observées la fois précédente.

— Ca ! me dis-tu alors que tu m’observais, c’est pour quand je serai mort. Je ne fus pas vraiment étonné de ton sens pratique habituel et de ton impudeur d’homme vieillissant. « Au cas où… »

A travers la lucarne, un rai de lumière éclaboussa les particules de bois en suspension dans lesquels je flottais comme un ange. Mes narines s’imprégnaient de ces milliers de lucioles. Un brouillard tiède, doué de nature enchanteresse se collait à mes cheveux ; me calfeutrait les oreilles ; s’amoncelait dans la commissure de mes paupières, de mes lèvres. Le divin était proche et je transperçais de mon corps le rai de lumière oblique pour voir si ma boule de cristal intérieure fonctionnait correctement. C’était beau.

Tu rajoutais : — Je me fiche pas mal, ce jour là, d’être enfermé dans un cercueil vernis calfeutré de taffetas blanc. Hop !! Entre ces quatre planches et dans un trou au fond du jardin…. Ce sera au poil. Pas de voisins !! Je trouvais intérieurement cette idée géniale.

— C’est du cèdre, précisas-tu, beaucoup plus dur pour les vers…

Lorsque nous partions, ce qui finissait de me réjouir c'est que déjà, si jeune, tu m’avais appris à conduire ton vieux break Ami 6 qui tanguait dans les virages. Il me servait surtout à visiter les prairies herbeuses du coin quand tu n’étais pas avec moi. Cela t’exaspérait et me plaisait énormément.

Tant de dizaines d’années nous séparaient mais tu ne m’avais pas caché non plus que si tu m’avais aussi appris à conduire si tôt quand nous partions tous les deux, c’était toujours…au cas où… Et je me sentais grand, avec toute cette poussière de bois sec qui me bouchait le nez et collait mes cheveux tout crades !!


dimanche 3 décembre 2006

Stabat Pater V



Tu écartes à peine la paupière d’un œil dans ton demi-sommeil endolori et aussitôt tu prononces mon prénom alors que tu ne m’as pas revu depuis un moment. Tu refermes ton œil et tu restes dans le vague de ton âme un moment avant de te tirer complètement de ta torpeur de ce début d’après midi. Tu tends tes bras, tu crispes ton visage. Je ne te précipite pas. J’attends, accroupi à tes genoux, face à toi, que ta lumière se fasse peu à peu.

Je t’ai apporté ces biscuits que tu aimes tant... et moi aussi. Avec ton béret vissé sur le crâne, tu me fais sourire dans cet intérieur médical dénué de toute chaleur.


Un pas de plus.... ou de moins ?

La porte reste ouverte sur le couloir car c’est aussi la vie qui déambule à proximité de toi. D’un coté les voilages de la porte vitrée sont tirés pour cacher le jardin où des vieillards que tu ne veux pas voir déambulent. De l’autre coté des chariots et les aides soignantes vont à leurs occupations et passent nous faire un petit bonjour.

Depuis ta chambre minuscule j’entends les appels sourds qui proviennent d’un patient qui gît dans une autre pièce au fond du long couloir inhospitalier. Un appel fort qui résonne, à peine compréhensible « Un-fé-mé !!! », répété sans discontinuer. Je frémis à cette mélopée.

Collé au dossier de ce fauteuil, tu es bien tenu par tes os un peu rouillés, épatant chacun de ta capacité à pouvoir dormir presque debout. La nuque raidie et le nez en l’air. Je n’y vois que ta fierté habituelle statufiée. A ton âge, tu m’impressionnes, non plus de ta toute puissance arbitraire et de tes coups de gueules imprévisibles perdus depuis longtemps, mais parce que je te trouve alors très beau. Malgré la déchéance de ton corps et de ta pensée, tu gardes cette immanence qui nous a tous fait un peu de ta chaire. Je suis profondément respectueux et alors je t’enlace dans mes bras comme je peux, comme j’ai appris à le faire depuis peu. Je sais que cela te touche et moi, dans quelques temps, je ne pourrai plus le faire.

La mélopée persiste depuis le couloir. « Un-fé-mé !! ». Je m’habitue.

Alors extirpé de ton calme apparent tu me demandes « -Où est ta voiture ? ». Nous sortons dehors mais je ne te montre pas où est ma voiture. Je la prendrais volontiers pour t’amener directement au paradis qui ne t’attend pas forcément. Mais une fois là haut, je suis sûr que tu aurais bien su négocier ton entrée avec les tenanciers de la boutique. Et « - J’ai fais ce que j’ai pu !!» avec ta mine contrite que tu sais prendre, aurait probablement suffit.

Dans la rue tu acceptes mon bras non sans me faire remarquer que tu aurais préféré que se soit l’inverse. Mais tu acceptes que cet ordre des choses soit inversé et je te trouve incroyablement doux. Tu as froid. Je te couvre de mon blouson. Il fait pourtant très bon pour cette fin de mois de novembre.

Nous marchons.

Tu ne revendiques rien et commentes, à ton habitude, ce que tu vois alentours. Ta vue est encore excellente. En traversant les rues et les parkings tu me demandes encore « Où est ta voiture ? ». Elle n’est pas ici. Tu ne la verras pas.

Je te l’aurai bien prêté pour que tu ailles te divertir dans quelques brocantes des environs. Mais j’en ai besoin et, tu sais, il y a longtemps que tu ne conduis plus. Ta voiture à toi, que tu ne me réclames plus maintenant, est vendue depuis deux ans. Tu ne me parles plus aussi d’Andernos et de cette envie, comme un rituel indispensable que tu t’étais fixé, pour finir en paix.

Tu parais avoir compris là où tu te trouves et pourquoi tu y es maintenant. Tu dénigres ces « grabataires » qui t’entourent avec ton ironie intacte. Tu n’as pas tant changé. Moi, je t’ai pardonné tout ce que tu m’as fait ou ce que tu n’as pas fait. Mes douleurs indicibles, mes rancoeurs se sont dissipées…

Nous passons dans la ruelle. Comme je t’explique que maman est partie se reposer en Alsace, tu concèdes aussitôt « - Comme je la comprends ».

A mon bras tu es tranquille. Devant la haute tour carrée de pierres historiques qui surplombe la bourgade tu y aurais bien vu un château d’eau camouflé. Ou bien « Ca doit pas être facile à chauffer ! ». Soit. Et je savoure tes commentaires de personnage encore curieux et attentif à tout. Surtout les pissotières, que nous dépassons, ne t’ont pas échappées.

Ici, rien de cela, tu seras bien soigné pour quelques semaines et en sécurité.

Nous retournons sur nos pas depuis la place centrale. Dans le couloir aseptisé, le ton du gisant s’est étouffé et le « Un-fé-mé » se fait moins preignant. Jusqu’à ce que je réalise qu’il s’adresse à l’infirmière.

Je te regarde fixement dans le bleu passé de tes deux yeux quelques peu cernés et rougis. Cela te fais sourire. Je te serre dans mes bras. Cela te surprend à chaque fois, mais tu me le rends sans rechigner. Vois-tu comme tu pourrais être à ma merci si je t’étreignais un peu trop fort ? Sous mes mains, à travers ton pull, je sens tes omoplates acérées et les plis de ta colonne vertébrale rocailleuse. Pourtant tu es doux. Quand je m’écarte, tu as cette mine réjouie et un peu gênée de t’être laissé surprendre par une émotion dont tu n’as pas l’habitude. Ton père lui-même te prenait-il dans ses bras ? Bien sur, mais tu as oublié. Que t’as-t-il dit aussi de cette vie si longue et si riche que tu as allais avoir, alors que lui-même t’a laissé si jeune ? Il n’a sans doute pas eu le temps. Comment est-il possible que certains traversent des décennies en toute quiétude avec cette naïveté d’enfant gâté ?

Je te laisse là, hésitant, chancelant debout sur tes frêles échasses à rechercher ta canne qui est désormais perdue dans un des couloirs immenses.

Mais tu me demandes encore :

« -Où est ta voiture ? »

Et je songe :

« - Ma voiture ? Elle s’est écrasée contre un arbre sur la route qui mène à l’horizon de ma peine. »


lundi 4 septembre 2006

Le kamikaze de Bagdad



Au dessus du marché surpeuplé de Bagdad une fenêtre s’était ouverte subitement. Campé sur son rebord un kamikaze tout de noir vêtu prit son élan du troisième étage de ce bâtiment proche. Dans un bon majestueux il se projeta au dessus de la masse des innocents venus se ravitailler en scandant un ALLLLAAAAHHH
AKBBBBB… qu’il n’eut pas le temps de terminer alors qu’il atteignait le sol. Du moins c’est ce que tout le monde cru dans un affolement général ou chacun fuyait à toute jambe l’explosion redoutée en vociférant des incantations aléatoires.


Rien ne se produisit. Mais la frayeur causée par cet oiseau énorme planant dans sa djellaba
flottante dans les airs mis un moment à s’apaiser. Une sorte de pressentiment envahit toutefois les plus âgés, qui se conforta rapidement tandis qu'il n'y eu aucune détonation. L’ensemble des chalands et de leurs acheteurs fut aussi figé sur place, momifié, hébété… tant il y avait de ridicule perçu dans cette situation trop souvent redoutée par ceux qui en étaient ressortis auparavant. Les anciens calmèrent vite les autres passants.


Le kamikaze avait atterri dans une carriole à ciel ouvert qui contenait essentiellement des légumes charnus. La tête la première, plantée dans les aubergines, il remuait encore et secouait son visage décoré de couleurs violacées, comme un cheval s’ébroue.


Un rire gigantesque et sonore lui échappait...


mardi 29 août 2006

Brève de trottoir



Il ou elle marchait le long du trottoir. J’ignorais réellement quel pouvait être son sexe et sa nature un peu corpulente me confondait terriblement. Sa mine bonhomme ne me rassura pas. Engoncé(e) dans un certain nombre de manteaux, écharpes et pardessus nombreux, en pellures d’oignons bien entassées, je le ou la trouvais tout à fait étonnant(e). Il y a comme ça des personnes dont on ignore tout et qui vous captive subitement, par une attitude, un geste ou un regard.



Son téléphone portable sonna. Son fouilli de strates laineuses empilées se mis alors à vasciller, tournoyer, chavirer dans tous les sens comme une toupie affolée, quand sa main finit par saisir enfin son combiné fossilisé dans une lointaine sous couche inexplorée.

La conversation débuta et la voie féminine qui s’exprima me donna le sens d’une certaine réalité que j’avais perdue. Elle s’était arrêtée devant moi et avait annoncé son prénom à son interlocuteur «Ouiiii ??? Mathilde à l’appareil». La conversation s’enflamma peu à peu et je m’arrêtais derrière elle.

Elle finit par dire, d’un ton coupant « Mais vas-y puisque tu es déjà en retard !!! ». C’est sur cette dernière phrase que je quittais Mathilde ce jour là. Nous nous revimes à chaque fois dans les mêmes circonstances. Ce personnage m’impressionnait toujours.


Les têtards


Dans le lavoir abandonné au bord du chemin à pic, une eau claire s’épanchait. Les montagnes formaient tout autour un théâtre de verdure vivifiant et magnifique, disproportionné pour ma petite taille d’enfant.




Au loin dans la vallée, les tintements des cloches des brebis me parvenaient déjà. Leurs allures de serpillières blanchâtres et cornues, crapahutant sur le bitume à petites foulées m’intriguaient.

De loin, c’étaient autant d’asticots à pattes frêles, collés l’un à l’autre, rassemblés en flots retentissants. Pendant que la masse s’approchait, je farfouillais de mes mains jusqu’aux avant-bras dans les algues échevelées de ce bassin lumineux qui servait aussi d’abreuvoir au passage des bêtes.

Au fond, la vie des têtards y était trépidante, complètement perturbée par cette petite main qui avançait à leur poursuite. C’était la mienne, celle déjà expérimentée de mes six ou sept ans.

Les petits, les gras, ceux à pattes formées ou non n’avaient plus de secrets pour moi, le nez collé à la surface de l’eau.

Quand j’arrivais à en attraper un, je le posais sur le large rebord en pierre qui me soutenait le haut du corps. Le supplice pouvait commencer pendant que le tintement des cloches s’approchait.

Frétillant du désespoir, mon têtard capturé gesticulait dans sa goutte d’eau devenu flaque autour de lui. Plus pour longtemps.

Un brin de paille enfoncé dans sa bouche, et probablement aussi jusque dans ses molles entrailles lui donnait un air de fumeur de havane ventripotent.

Une pression sur la queue translucide le rendait immobile, et de toutes façons, elle devait bien se séparer un jour ou l’autre de cette tête énorme et globuleuse.

Je pressais alors un peu plus fort entre le pouce et mon index.

SPRICHhhhhhhhhhh. ! ! !

Concentré sur mes expérimentations diverses et variées pendant de longues minutes de pêche aux têtards, je ne faisais plus attention au flot des asticots serpillières qui trottinait alors juste derrière moi, cadencé par leurs cloches résonnantes dans l’écho des montagnes.

Surpris, je m’aperçu soudain que le fleuve moutonneux et bruyant me frôlait le dos, j’admirais alors ces tristes mines, impressionné.


lundi 28 août 2006

Un jour à Marrakesh...

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Je m’installe à la terrasse perchée sur le toit de la grande maison où je suis hébergé à Marrakesh pour écrire ces quelques lignes, au soleil. Mais les hauts murs tendus vers le ciel m’empêchent de voir les environs. Je profite alors des sonorités de tout le quartier Aarst Lhouta qui me parviennent intensément ; appel du Muezin pour la prière de la mi-journée ; mobylettes klaxonantes chevauchées par 1, 2 ou trois personnes ; ballons qui rebondissent dans les ruelles étroites où l’on ne va qu’à pied…

La place Djama el Fna

Je n’ai pas encore visité toutes les pièces imbriquées de la maison carrelée où vivent mes hôtes. Le seul puits de jour placé au centre de l’habitation suffit d’éclairage et les murs tapissés de carreaux de faïence bariolée à géométries variables m’indiquent qu’il fait sûrement bon vivre ici en pleine chaleur de l’été. A l'ombre du rez-de-chaussée en profondeur.

Les cinq jeunes garçons de la famille Marrakchi qui m’accueille y distillent joyeusement leur sens inné de la communication et tentent par leur français approximatif pour les aînés de me faire participer à l’animation générale, ce à quoi je m’adonne volontiers.

J’ai passé à peine deux heures ce matin entre ici, la place Djema El Fna et les souks où évidemment je me suis perdu rêveusement. Ce laps de temps est déjà suffisant pour avoir la tête qui tourne de tout ce que j’ai pu croiser sur mon chemin. Un bain de civilisation tourbillonnante où je suis passé inaperçu, à peine accosté par les vendeurs ambulants d’épices ou de chaussettes entre les milliers d’étals rebondis de produits bigarrés.

Dès les premiers pas de mon excursion, dénicher le « Cyber Café » où je me rends désormais fut le fruit du hasard. Et comme le dit le proverbe « un hasard vaut mieux que mille rendez-vous ». J’en profite.

Sur 10 mètres carrés, les ordinateurs sont agencés les uns contre les autres. Les écrans et les tabourets qui permettent de s’en approcher tiennent du jeu de Lego dans une boite à sardine. Pour optimiser l’espace, une mezzanine que je peux presque toucher du sommet du crâne est bricolée avec la même dizaine de postes connectés sur le monde.

Je m’installe et, à ma gauche, la tenancière minuscule et souriante, engoncée dans son foulard, continue sans broncher ses essais de babouches virtuelles. A ma droite un digne barbu au visage sombre surf sur les calligraphies des écritures arabes, ou Berbères, d’un site où évidement je ne peux rien comprendre. Concentré sur son poste, avec le reste des internautes plutôt jeunes et branchés, chacun s’ouvre à la connaissance en ignorant presque son voisin.

A ma grande surprise la connection est excellente et le haut débit garanti des la première seconde. Mais il m’est difficile de ne pas résister à la tentation captivante, pendant cinq minutes, d’être toutes ouies ouvertes à un autre débit, celui de la rue proche qui paraît par intermittence devant la vitrine de la boutique, que l’on peut percevoir depuis l’intérieur.

Le braiment d’un âne suivi de sa carriole, le cliquetis du pas des chevaux sur le bitume, le couiiii, couiiii, couiiii régulier d’un essieu mal graissé d’une charrette à bras qui s’accentue, puis diminue en fonction de la cadence des piétons et de son éloignement dans la foule donnent un contraste saisissant de deux époques qui cohabitent parfaitement, entre virtualité et prosaïsme débordant d’une cité commerciale qui en a fait sa gloire.

Les odeurs épicées des marchandises cahotantes, aux quelles parfois se mêle l’âcreté des évacuations sanitaires bouchées, rajoutent dans la boutique, par la porte poussée à chaque entrée ou sortie d’internaute, une troisième dimension qui me fait méditer intensément.

Plus tard, de la terrasse d’un café qui domine Djema El Fna, je peux mesurer encore mieux le foisonnement qui m’inspire la démesure du lieu. Mais la préparation pour ce soir de la première projection en plein air pour le festival international du film de Marrakech fait s’activer les marteaux piqueurs qui résonnent désagréablement. Je m’enfonce alors dans les souks proches où je suis aspiré irrémédiablement par les pyramides de tissus, les panoplies de vestes en cuir, les monticules de babouches, les colonnes d’épices, les paniers de légumes…..

Je suis passé devant la pharmacie "Elamal" en bordure du souk. J'ai souri.

Mes yeux écarquillés et presque déjà fatigués de toutes ces subtilités enchevêtrées je me décide à rentrer à la maison « Inch Allah », ma paire de babouches bien négociée sous le bras.

A l’angle d’une ruelle je veux continuer mon chemin distraitement, mais les têtes enturbannées ou voilées, devant moi, s’arrêtent sans motif apparent et se tassent les unes contre les autres.

Rapidement, ni ceux qui viennent ni ceux qui les croisent ne peuvent avancer, tous coincés là entre un marchand de viande sur la droite et un réparateur de radios sur la gauche. Le nombre des passants coincés et voulant passer coûte que coûte augmente peu à peu, sans espoir d’aller ou de retour et nous restons bloqués là au moins pendant cinq minutes, debout. Les têtes se déboîtent, on se hisse sur ses pieds, on s’interroge du regard et s’invective en silence. Les burkas, les tuniques et Djellabas se vrillent, se frottent les unes aux autres, se font pincer par les roues des mobylettes.

Il aura suffit à deux carrioles muletières qui tentaient de se croiser, un tas de pavés en attente d’être posé et quelques mobylettes fumantes pour créer un conglomérat chahutant, sans agressivité, d’une centaine de personnes trépignantes, embaumées par les inhalations des pots d’échappement…

Je réalise qu’il s’agit de mon premier embouteillage piéton de ma vie !!! Car il n’y a là heureusement aucune voiture, bien que j’aperçoive au loin un grand taxi Mercedez qui aimerait bien pousser tout le monde par les fesses.


samedi 29 juillet 2006

Baille Ô Corneille

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Ô rage ! ô désespoir ! ô pétole infinie !
N'ai-je donc rien vu pour qu’il en soit ainsi ?
Et ne suis-je parti vers de nombreux spots
Que pour devoir m’avachir ici comme une marmotte ?

Ma board qu'avec respect toute la Gascogne craint,
Ma board, qui tant de fois a tranché ces écrins,
Tant de fois atterrie au plein milieu des bois,
Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ?

Ô cruel souvenir de mes back loop manqués !
Efforts de tant de jours en un jour effacés !
Scélérate météo fatale à mon bonheur !
Anticyclone pourri d'où tombe mon honneur !

Faut-il de votre éclat que ma gorge s’assèche,
Et rester ici bas sans une bonne bière fraîche ?
Eole, sois de mon aile à présent le digne rider ;
Ce haut vent n’attend point un homme sans quiver ;

Et ton tempérament de feu aujourd’hui se résigne
Malgré le choix de tous, tu n’as pas donné signe.
Et voila, en tes risées minables, comment tu nous ments,
Mets mon aile aujourd’hui en un inutile ornement,

Board, jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense,
M'a servi de coupe vent, et non pas de défense,
Va, quitte désormais ce rivage sans lendemain,
Passe pour me venger en de meilleures mains.


Texte d'après Pierre Corneille dans Le Cid année 1637, Acte I scène IV.
Crédit Photo Gerard Belbeoch


jeudi 27 juillet 2006

Stabat Pater IV

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Il me regarda encore une fois fixement avec toute la désespérance de son regard humide....d'un air implorant, même, que je ne voulais pas voir ainsi car ce n'était sans jamais penser à ce qu'un jour serait. Ce n'était là que façade, pensais-je, derrière laquelle se cachait sa honte, sa honte infinie de vieillard. Puis il baissa la tête, m'infligeant à nouveau sa sentence de ce qui ne pourrait plus être très longtemps, et, d'un pas chancelant, mais étonnamment décidé, il s'enfonçât dans la pénombre fraîche de son gîte. Comme un fuyard. Une dernière tentative de décider du sort que lui seul pourrait se réserver.


Quand je suis revenu, bien plus tard que je ne l'espérais, en vain je l'ai cherché, le soir et toute la nuit suivante, à sa place habituelle. Je me suis concentré pour tenter de le percevoir du mieux que je pouvais, de l’entrevoir, mais il resta absent, désespérément disparu.




Ce ne fut qu’alors un jour, bien des mois après, où j’allais rendre un service dans un lieu inhabituel, que j’aurais pu croire à un rêve, une apparition fantastique si, dans un moment d’intuition forte, extrêmement rare, je n’étais resté un peu plus sur le pas de cette porte à regarder dans le vague. Apparu alors un homme aux traits rougis sur un visage exsangue, marqués par l’eczéma de toute part, emmitouflé, qu’on déplaçait précipitamment dans son fauteuil roulant d’un bâtiment vers un autre. Son regard à mon intention dura à peine une seconde, mais me toisa de toute cette force inouïe qui donne certitude à la vie, pour peu de temps encore. Je fus sidéré. Lui, ma chair et mon sang étaient là devant moi, à quelques mètres. Cette lueur si soudaine palpitante, je la pris avec une telle violence que je ne pu me résoudre à agir en quoi que ce soit. Je sentais des larmes aux yeux et comme je le regardais, atterré, je compris aussitôt le poids de son regard et de sa fierté à me faire comprendre, uniquement dans ce quart de seconde éternelle, qu’il en serait bientôt fini pour lui. Que je n’avais rien à faire là, rien à ressentir ni à demander plus. Mais par ce regard incandescent d’une fraction infinie je compris surtout que tu serais toujours mon père et pour toujours. Dans l’espace de cette unique seconde.


Dessin de Savinien Petit 1815-1878.
Texte inspiré par S. Zweig dans "Amok" paru en 1927.

lundi 5 juin 2006

Ma lessive bio



Fini d'engraisser les fabricants de lessive et leur chimie.....


Par contre je dégraisse, mais avec des produits naturels.



Ca a une sale gueule ces coquilles de noix rabougries, mais ça lave. Et bien en plus !!! J'ai fait aussitôt le test après les avoir achetées. Du blanc à 90°. Impeccable ! Ces noix proviennent de l'arbre Sapindus Mukorossi qui pousse au pied de l'himalaya. Et ça ne pollue pas...à suivre.

Un peintre est né



Prenez de l'huile, bien grasse...puis un couteau, pas trop tranchant et lancez vous..... Moi, j'en reste baba et je suis devenu le premier fan de ce peintre inconnu qui colorie sur le bord du bassin d'arcachon et lui rend sa lumière.




Ses toiles sont à vendre, pas depuis très longtemps. J'aime ses toiles, ses marines ou ses vitraux gais et ensoleillés de sa lumière interieure.


Quand je suis venu, le premier jour, il m'a éparpillé ses toiles posées sur le sol tout autour du salon. Une trentaine de lueurs et de graphismes qui tranquillement s'étalait à mes pieds..... une s'est accrochée à ma jambe, indéfectiblement...



Le deuxième jour, tout allait bien, deux autres toiles se sont accrochées à mon cou cette fois....


dimanche 12 février 2006

A l'ombre..



Tibau do Sul, Brésil, Janvier 2006.




Ici, ce sont des amaryllis qui bordent l'allée qui mêne à ma chambre... Celle-ci est un petit chalet posé au milieu d'autres, separés par des espaces de verdure. Mon "chalet", de couleur verte aussi, s'apelle Piau, du nom d'un village des environs. C'est depuis ma terrasse , torse nu, à 7h du matin que je t'écris...

La pente douce qui permet de ne pas avoir de vis à vis direct, entre les habitations, est richement arborée. Bananiers, caféiers, crotons, ficus, cocotiers etc... sont partout et inondent le paysage immédiat d'une ceinture bigarrée et apaisante.
Le vent souffle depuis mon arrivée. C'est une brise très agréable ici, bien que la chaleur ne soit pas trop importante.

Les bruissements des feuilles larges des bananiers, des feuilles petites et nervurées des goyaviers, celles filliformes des cocotiers viennent accompagner l'orchestre des nombreux oiseaux qui s'activent depuis 5 h ce matin.

Les oiseaux chantent et les arbres dans le fond sont les instruments à vent.
Là j'aperçois le long bec d'un colibri au vol bleuté suspendu en l'air, figé devant sa proie. Plus au loin et plus sauvage se font entrevoir des oiseaux plus ou moins gros, de couleur jaune la plupart du temps. Je comprends pourquoi les couleurs du brésil sont le jaune et le vert.

Ma terrasse, un hamac, le parfum des fleurs de frangipanier.... surtout quand il a plu, un peu, la nuit.....

dimanche 8 janvier 2006

A bientôt peut être....



Je ne vous le cache pas plus longtemps, demain je serai là....

C'est sur la cote Brésilienne, un coin perdu ou la mer est bleue, le soleil est chaud.



Image extraite de Google Earth !!

Je penserai à vous et je n'ai rien d'autre à ajouter car il faut que je prépare mon sac.
- Un serviette de bain
- Un bob
- Des tee shirts sans manche
- Mes tongs
- Ma crème contre les coups de soleil...
Et ...
- Le livre de Joao Guimaraes Rosa...

C'est comme ça !!!