Dans un hyper du coin, je m’attarde devant le rayon des aliments pour bébé. J’y suis venu décidé, non pas au hasard. Simplement l’envie tout à coup de voir s’il existe toujours ces délicieuses bouillies que j’adorais parfois prendre au petit déjeuner, adolescent. Un creux au ventre me pousse inéluctablement.
Une dame, jeune, passe par là, poussette aérodynamique et becquet arrière au-devant d’elle.
— Pouvez-vous me dire où se trouve la bouillie, s’il vous plait ? dis-je, certain que la réponse fuserait par un automatisme inné, vu l’âge du rejeton casqué et ceinturé. Sa propre blancheur ne pouvant venir que des nourritures si pures sur cet arrêt au stand.
J’ai du mal à comprendre la réponse, car elle est imperceptible et son ton gêné me fait comprendre que : soit ce n’est pas la mère du bambin, soit qu’elle est une mauvaise mère. Je regarde alors le gosse s’éloigner et je suis pris de tristesse du plaisir qu’il ne connaîtrait pas de se délecter de cette pâtée succulente. Je n’avais pas connu cette malchance.
Une autre jeune femme passe par là. Brune et plutôt jolie. Certain que j’en retirerai quelques informations précieuses, je m’enquis à nouveau. Et la réponse est cette fois à mon sérieux désavantage : — qu'est-ce qu’il prend d’habitude ?
Aïe, voilà un cas de figure qui, devant ma difficulté à lui répondre, me fait à mon tour passer pour un mauvais père. Je n’ai pas osé avouer qu’il s’agissait de moi-même… En tout cas, je prends conscience de la valeur de ce lieu si prompt à nouer des échanges et qui pourrait être là, comme dans une librairie, le témoin de nos convictions intimes les plus fortes.
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