dimanche 20 novembre 2005

Stabat Pater III

Quand est-ce que tu viens ??


C'est ta première question quand je te parle au téléphone, vieux papa, à peine ai-je composé ton numéro. Si c'est toi qui décroche en atteignant le combiné de ta main osseuse, je comprends alors que je t'ai réveillé de la léthargie de ton fauteuil macabre.




Dès cet instant, tu m'as reconnu au bout du fil et tu sais qui je suis. Tu es réveillé pour de bon et moi je sais que quand tu le veux, tu peux remuer ton popotin et sortir prendre le soleil quand dehors il fait beau, malgré le froid. Mais le froid, il t'envahit toute la journée et ta vieillesse ne te dérange pas tellement. Pour le moment, si tu as froid, c'est que tu es encore vivant. Un peu moins chaque jour pour ceux qui t'entourent. "Mais à quoi bon sortir dehors, au froid" Penses-tu.

- "Quand est-ce que tu viens ?"
Non, je ne viens pas tout de suite car j'habite loin et il me faut deux heures de trajet pour retrouver ta maison. Alors attends un peu.

Tu n'as plus d'idée de quand date mon dernier passage à tes cotés et si je tente de converser avec toi, ta seule phrase est " Quand est-ce que tu viens ?" Non, je ne viens pas. Il faut que tu comprennes qu'ici est ma vie, mon travail, mes ami(e)s, mes sorties....et si je ne viens pas à chaque fois que je le pourrais, c'est que j'ai besoin de cette vie qui est gaie pour l'être aussi quand je te vois. Alors patience, et si tu manques de gaité dans cette austérité recluse c'est que l'ennui qui te guette, tu le cherches un peu non ? Tu n'as qu'à faire un peu la cuisine que tu aimes tant. C'est ça.

Mais je sais qu'inévitablement tu me demanderas, pour conclure notre échange ou parce que tu es pressé d'en finir "Quand est-ce que tu viens ?". Moi, je ne suis pas pressé d'en finir avec toi.

Image: "homme lisant" Rembrandt

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Tu résistes à l'impatience que trahit cette ritournelle ?
Pas facile, Benito.
Pourtant n'oublie pas de graver dans ta mémoire la voix qui te la chante, car un jour c'est toi qui t'ennuiera d'elle.

Anonyme a dit…

toujours plein d'émotion quand tu nous parles de lui ...
bises